L’accueil à Ressource a été simple et chaleureux… J’allais apprendre à prendre soin de moi.
Paul est mort le 26 Février 2009 après un an de calvaire suite à un accident vasculaire cérébral.
Nous nous aimions. Avec lui se sont envolés nos rêves, nos projets, nos conversations, nos rires, notre intimité.
Je suis restée là, comme une plaine déserte déchirée par l’explosion d’un obus. J’ai continué à vivre pour les enfants, les amis… A faire semblant que tout allait bien quand même…
Et puis, c’est arrivé… en Juin 2010… Cette fatigue, que je croyais être due au contre coup… Et cette douleur dans le bras gauche et dans le dos…Et ce sein trop gonflé… Et cette boule…
Au fond de moi, j’avais compris avant même de faire la mammographie…
C’était arrivé subitement et j’avais l’impression que CELA évoluait vite…
CELA, c’était le cancer du sein…
Je suis restée tremblante sur mon lit quand le radiologue m’a donné le diagnostic.
CELA m’arrive à moi aussi … qui me croyais forte et invulnérable !
Il fallait que je me lance tout de suite dans l’action… Je voulais au plus vite me débarrasser de cette boule qui semblait me ronger.
Il y a eu l’opération, sans problème. Puis un second verdict : le ganglion sentinelle est légèrement atteint.
Tout fut donc remis en question !
Ce fut un choc terrible !… Ce que je craignais le plus allait se produire… La chimio !! J’avais accepté la maladie, le cancer, mais la chimio …NON ! Elle était le symbole même de cette maladie : crâne sans cheveux, teint blafard, yeux hagards ! Je ne me sentais pas prête…
Et pourtant tout va s’enchaîner vite, trop vite cette fois-ci…
Il y a une seconde opération pour enlever les ganglions…. La pose du cathéter…
On est en juillet, mes enfants sont là…Je suis si triste de ne pouvoir profiter joyeusement de la présence de mes petits-enfants…
Et quand ils sont partis, que le calme et la solitude ont à nouveau envahi ma maison, c’est…la première chimio… le tsunami à l’intérieur de soi… avec la fatigue, les nausées, la langue pâteuse…
Et quinze jours après, l’autre épreuve… La perte des cheveux…Chacun sait…
J’aurais aimé me cacher aux yeux du monde durant cette maladie !
Heureusement, il y a la présence précieuse des amis…et les coups de fil quotidien des enfants qui retiennent à la vie…Mais on ne peut empêcher cet enfoncement dans une solitude voulue et recherchée et dans une introspection permanente. On est dans un autre monde !
J’ai alors rencontré d’autres personnes qui avaient vécu la même terrible expérience… deux d’entre elles m’ont parlé du Centre Ressource… J’étais alors trop enfoncée dans mon mal être, je n’ai pas réagi, je n’ai pas saisi l’utilité…
C’est en discutant avec le docteur Mouysset que m’est apparu le besoin de rencontrer un psychologue du Centre…Je commençais alors à sortir de ma solitude…
L’accueil à Ressource a été simple et chaleureux… On m’a proposé de faire un soin du visage… il en avait si besoin ! et un soin des mains…
J’allais apprendre à prendre soin de moi…
Mon travail avec le psychologue se poursuit. Je suis arrivée chez lui avec les pièces d’un puzzle éparpillé, et petit à petit tout se met en place et certaine zone d’ombre s’éclaire. Je me sens maintenant guidée dans mes introspections, par quelqu’un qui a un regard neutre et neuf sur moi.
Nous avons bien sûr évoqué le « Pourquoi », mais surtout pour se diriger sur le « Vers Quoi »
C’est souvent troublant… et je pars à chaque fois avec une question !
Ma vie éteinte par la chimio a trouvé par là un sens…Un vrai sujet de réflexion… positif et créatif…
Créatif, parce que je me suis aussi accrochée au dessin et à l’aquarelle…
Un dessin totalement obsessionnel, fait d’une multitude de petits traits à la manière des graveurs et qui inhibe la pensée… Quant à l’aquarelle, j’ai compris plus tard, lors de mon analyse, pourquoi j’avais choisi de peindre des écorces d’arbres, ces belles écorces si protectrices !
Mais ce qui fut le plus étonnant, c’est que j’ai peint une écorce d’if, sans savoir que cet arbre (taxus en latin) était à l’origine du produit injecté lors des trois dernières séances de chimiothérapie : le taxotère ! L’inconscient nous joue souvent des tours !!
Pendant tout le traitement j’ai continué dans la mesure du possible ma pratique du yoga, avec des séances de yoga nidra et des souffles pour tenter de garder un minimum d’énergie, même si certain jour, rien n’était possible !
Maintenant, je fais les séances de radiothérapie à la Timone, je retrouve mes forces, mon corps et mon moral…
Tel est mon témoignage et je pourrais dire mon cheminement… J’ai énormément de reconnaissance envers les personnes qui m’ont aidée…J’étais seule au quotidien, c’est vrai, mais je pense que cela doit être tellement plus dur quand on a de jeunes enfants !
Aujourd’hui, je me sens prête, grâce à l’assemblée de Samedi aux Milles, à encore sortir de ma solitude et à aller vers le groupe de Parole… et par là même aller vers les autres, oser parler et dédramatiser cette maladie…
Je pense à la fin du film« Bleu » de kieslowski où apparaît un extrait de l’Epître aux Corinthiens de St Paul, parlant de l’Amour : « Il supporte tout, croit tout, espère tout, endure tout. L’Amour ne passe jamais. »
Cela rend-il la maladie… ou la mort de ce qu’on aime plus supportable ?